Elle s’applique, liant ses lettres d’un trait appuyé de stylo-bille. A côté du mot «arabe», elle a écrit «voleur». Une grande partie des élèves de cette classe de troisième a eu la même idée. Sans se concerter. Les mots sont posés sans gêne, provocation ou colère. Son voisin d’en face, un grand garçon souriant, a lui écrit le mot «islamiste». Un autre encore a mis «violeur». Lundi dernier, ces élèves du collège Gabriel-Péri d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) ont participé durant deux heures au programme CoExist, un dispositif de lutte contre le racisme et l’antisémitisme fondé sur le principe de la déconstruction des préjugés. Avec ce programme, élaboré en 2003 par une psychosociologue, Joëlle Bordet, et une psychanalyste, Judith Cohen-Solal, CoExist fait une centaine d’interventions par an dans les classes de quatrième, troisième et seconde, à la demande des établissements. Il est aujourd’hui mené conjointement par trois associations : l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), SOS Racisme et la Confédération étudiante, qui ont 80 bénévoles formés pour jouer le rôle de médiateur durant ces séances un peu particulières. Le principe : les élèves se voient remettre une liste d’une vingtaine de mots à côté desquels ils doivent noter des «mots associés». Exemple : «Si je vous dis « juif », vous pensez à quoi ?» Par petits groupes, ils dessinent ensuite au feutre ces mots sur une grande feuille, avant de présenter ce travail à l’ensemble de la classe et d’en discuter collectivement avec les deux médiateurs de CoExist. Leur professeur est présent mais n’intervient pas. «Il faut qu’ils se sentent libres de leur parole», explique Judith Cohen-Solal. «Notre idée était de ne surtout pas aller farcir la tête de ces jeunes avec ce qu’il faut penser ou pas. Mais de provoquer des discussions et, surtout, un déclic», poursuit la psychanalyste. L’exercice est souvent violent. Il est aussi déconcertant. Parce que, au-delà des préjugés sur l’autre, de la bouche de ces adolescents de banlieue sort surtout le catalogue des préjugés que la société leur renvoie. Et qu’ils ont presque fini par intégrer.
Invités par CoExist à s’exprimer sur les discriminations, des collégiens d’Aubervilliers se sont confrontés à leurs propres préjugés.