Un programme développé par SOS-Racisme et l’Union des étudiants juifs de France.

Les handicapés leur inspirent spontanément de la « pitié », les femmes à leurs yeux sont « faibles », les hommes « forts », les Africains « pauvres », les Français « blancs », les jeunes de banlieue « dangereux ou trafiquants ». Dans la même veine, les Arabes vont « à la mosquée » et les juifs font « la guerre » et « portent des chapeaux ».

La vingtaine d’élèves en difficulté de cette classe de quatrième du collège Bergson, dans le 19e arrondissement de Paris, ne sont pas plus caricaturaux que leurs camarades issus d’autres quartiers, d’autres milieux sociaux, d’autres origines ethniques ou d’autres villes, interrogés dans les mêmes conditions. Pour la plupart originaires d’Afrique, du Maghreb ou d’Asie, ils planchent, seuls puis par groupe, sur une quinzaine de mots-clés, sous le contrôle de Julien, militant de SOS-Racisme et de Noémie, membre de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Les deux associations arpentent depuis six ans les classes de collèges et lycées dans le cadre du programme Coexist, qu’elles ont mis en place en 2004 pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Julien, qui n’en est pas à sa première intervention, ne s’offusque plus des clichés qu’assènent les jeunes élèves. « A cet âge, ce sont des éponges à simplifications et à préjugés, sans idéologie. On est là pour déconstruire les idées reçues », explique-t-il.

« CHAT-FEUJ »

Dans cette classe, comme souvent, les discussions les plus vives tournent autour des « juifs et des Arabes ». Pour Madjid, les premiers « font la guerre en Palestine », alors que Rachel assure qu’ils font surtout « beaucoup de prières ». « Quand vous dites : « La plupart des juifs, des Noirs ou des Arabes sont comme ci ou font comme ça », ce n’est pas un peu ça le racisme ? », les relance Julien. Dans la classe, la fronde est générale : « Vous nous traitez de racistes ? »

« A Bergson, le racisme ou l’antisémitisme ne sont pas explicites, mais les insultes sont souvent liées à l’origine ethnique », convient une enseignante. Il y a peu, un jeu de récréation intitulé « chat-feuj » était apparu, avant d’être interdit. Lorsque le « chat » touchait un élève, ce dernier devait s’agenouiller et s’excuser d’être juif.

Même s’ils assurent intervenir dans tous types d’endroits, les promoteurs de Coexist n’ont pas choisi par hasard le 19earrondissement. Ce quartier, où cohabitent des familles d’origine africaine, de culture arabe et juive, a connu de fortes tensions communautaires au cours des dernières années. Mais, désormais, les établissements scolaires y sont moins mixtes que le quartier car beaucoup d’élèves juifs ont rejoint les écoles confessionnelles. Les militants de SOS-Racisme et de l’UEJF regrettent que Coexist ne soit pas encore développé dans ces écoles, où « le fonctionnement en milieu fermé nourrit la construction de préjugés ». Les responsables du programme réfléchissent pour les établissements juifs à « un type d’interventions particulières ».

Par Stéphane Le Bars

https://www.lemonde.fr/societe/article/2009/03/16/les-femmes-sont-faibles-les-francais-blancs-travail-contre-les-prejuges-dans-un-college-parisien_1168459_3224.html